Durant les guerres de Religion, le 9 octobre 1568 très précisément, les protestants s’introduisirent dans Conques et firent « grand pillaige, brullement et saccaigement
». Le centre névralgique de l’abbaye fut particulièrement visé : les bâtiments conventuels et la salle capitulaire furent en partie détruits, la fontaine du cloître dégradée, l’abbatiale incendiée, occasionnant notamment la destruction de la charpente et de la couverture d’origine.
Un temps durant, l’extrados de la voûte fut ainsi laissé à découvert, avant que l’on envisage, sans doute vers le milieu du XVIIe siècle, de réparer l’édifice, avec les moyens du bord…
Mêlée à du mortier, une simple couche de terre, elle-même recouverte par des lauzes, assura tant bien que mal, et ce jusqu’à la Révolution française, une étanchéité bien médiocre. Il fallut attendre les premiers travaux de restauration du monument, à la fin des années 1830, sous la responsabilité de l’architecte départemental Etienne Boissonade, pour que l’on songeât à refaire entièrement la charpente et le couvrement.
Des travaux de charpente tributaires de conditions naturelles hostiles
En prévision de ces importants travaux, un rapport daté de 1838 et adressé au ministre de l’Intérieur indique ainsi que « les bois sont chers à Conques, parce que les environs en sont dépourvus, qu’il faut aller les chercher assez loin et que les chemins pour y arriver sont très mauvais ». Et l’initiative de s’en procurer revint au maire de Conques, Christian Alary. « Ce dernier a jugé utile d’acheter dans les forêts des communes voisines et de faire transporter à Conques les bois de charpente nécessaires pour la reconstruction des combles […] La position du bourg de Conques, sur le revers d’une montagne hérissée de rochers, le mauvais état et pour ainsi dire le défaut de chemins pour y arriver, ont obligé M. le Maire de cette commune à profiter de la belle saison pour se procurer les matériaux sus-mentionnés. Si pour cet approvisionnement il avait attendu l’autorisation demandée pour l’organisation d’une régie, les bestiaux auraient manqué pour le transport des bois et il aurait fallu attendre la fin de l’automne, après la saison des vendanges, c’est-à-dire le mois de novembre, époque à laquelle les pluies ou les neiges rendent les chemins impraticables, ce qui aurait forcé de retarder jusqu’au printemps de 1839, et par conséquent de reculer d’une année l’exécution de travaux urgents, inhérents à la solidité du monument. »
Et de cette charpente naquit Le Liadou de Conques...
Nous voilà donc parfaitement renseignés sur l’origine du bois ayant servi, en premier lieu, à la réalisation des éléments de charpente de l’abbatiale de Conques, qui demeurèrent donc en place durant près de deux siècles (1839-2023)…
Avant que ce même bois de chêne ne soit réutilisé, par la suite, pour la confection des manches du couteau Le Liadou !
En effet, devant l’urgence d’entreprendre d’importants travaux de réfection de la couverture de l’édifice roman, une première tranche de travaux – choeur, déambulatoire et bras du transept – est en train de s’opérer (2023-2024), sous la responsabilité de la Conservation régionale des monuments historiques et de l’architecte du patrimoine Agathe de Maupeou (M+0 Architectes Du Patrimoine).
À l’instar de la cathédrale Notre-Dame de Paris, dont la charpente fut entièrement détruite lors de l’incendie de 2019, l’abbatiale de Conques retrouve donc aussi progressivement sa nouvelle « forêt » !